Démocratie locale et ruralité, est-ce compatible ?

Le confinement a prolongé le mandat du maire sortant jusqu’au 18 mai 2020. Quelles décisions a-t-il pris durant cette période ? Impossible de le savoir, alors que la loi lui imposait d’informer les futur.es élu.es. Ce premier épisode du mandat nous inspire quelques réflexions…

La participation citoyenne à la vie locale ne devrait pas être un organigramme qui place un élu au-dessus de tous et toutes et qui lui donne un blanc-seing, sans droit de regard ni contre-pouvoir, pendant les six ans de son mandat. 

Si le moment de confinement nous a appris quelque chose, c’est bien que cette forme pyramidale de représentation était bien inutile...

Malheureusement la France, dans sa culture de centralisation et de reproduction de cette centralisation à des échelles micro-territoriales, a bien du mal à entrer dans le XXIe siècle de la citoyenneté. 

En raison de la crise du Covid-19, la loi d’urgence du 16 mars a prolongé le mandat du maire sortant, mais avec un mécanisme obligatoire d’informations à l’intention des nouveaux élus encore non installés.

L’ordonnance du 2 avril a même élargi ce devoir à l’ensemble des décisions prises par l’exécutif. 

Mais nos questionnements sont restés sans réponse. Qu’en était-il de la commande de masque ? Quelles actions allaient être mises en place par la municipalité pour aider les habitants du village, en particulier les plus fragiles d’entre nous ? Comment allait s’effectuer le retour à l’école ? Nous n’en avons jamais rien su… Les élus du Collectif n’ont même pas été invités, dans un geste républicain, à participer à la cérémonie (en format restreint) du 8 mai…

Dans un mail du 2 avril 2020, le Collectif formulait également plusieurs propositions d'actions collectives pour faire face à cette crise sans précédent comme la mise en place d'une chaîne de solidarité pour soutenir l'épicière dans ses commandes, ou la livraison collective de fruits et légumes sur la place du village. Ces propositions sont restées lettres mortes.

« Mais pour qui ils se prennent ? » 

Dans ce même mail, le Collectif demandait des informations concernant la gestion communale. Pas de réponse du maire non plus ; seul l’un de ses colistiers s’est étonné par mail « quelle légitimité ont-ils ? », avant de s’en prendre à notre tête de liste : « il va falloir qu’elle se taise ; je le dis et je le pense : pour qui elle se prend ? ». 

Fin mai, à la fin du conseil municipal d'installation, nous avons même eu droit à une leçon de morale en ce qui concerne la démocratie locale, où le maire nous a expliqué que, dans le monde rural, cela se passait ainsi, sans opposition, et que, fort de 24 années d’expérience, il savait faire.  

Au Collectif, nous avons pris le risque de prendre la confiance et la transparence comme bases politiques. 

Dans un univers resté ancré dans un monde d’hier, il est évidemment compliqué de faire comprendre que la démocratie participative à l’échelle locale ne peut plus se décider à l’aune de cet organigramme municipal ; et ce d’autant plus que notre village est plus proche d’être la banlieue de Montpellier qu’une bourgade rurale.  

Accepter la discussion 

Le discours qui consiste à nier les différences, l’irrespect des voix d’opposition, les sarcasmes sont les indices de cette confusion entre le caractère pseudo-rural des Matelles et la vision d’une démocratie plus que datée.

Penser démocratie, c’est accepter la discussion y compris avec ceux et celles qui ne partagent pas la même vision. 

Penser démocratie, c’est cesser de croire que parce qu’on est élu, on n’a pas de comptes à rendre avant les prochaines élections. 

Penser démocratie, c’est renouveler le partage des responsabilités et soutenir la diversité des projets issus de la communauté villageoise qui favorisent la vie ensemble. 

Et enfin penser démocratie, c’est donner envie aux habitants d’exercer leur citoyenneté au service de l’intérêt général.